de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

dimanche 3 juillet 2016

224- Pardon évangélique



Au vu de la gravité de l'actualité, la vision du pardon propagée par l’Église catholique semble parfois édulcorée, lorsqu'elle n'est pas totalement déconnectée de la réalité, créant un malaise certain dans la société. L’Évangile est-il vraiment tel que les responsables catholiques locaux le présentent, bienveillant à ce point envers les pervers de toutes sortes ? Pour en juger et comprendre ce qu'est le pardon chrétien, il convient de revenir au texte fondateur.

Plusieurs passages montrent clairement que le pardon est un attribut divin : Qui peut pardonner les péchés, si ce n'est Dieu seul ? (Mc 2, 7). Le Christ rend présente cette grâce divine qui libère l'homme au-delà des considérations de la société de l'époque. Il est en cela précédé par Jean-Baptiste qui alla dans tout le pays des environs du Jourdain, prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés (Lc 3, 3).

Le premier enseignement du Christ et le plus important est bien évidemment le « Notre Père » : Pardonne-nous nos péchés, car nous aussi nous pardonnons à quiconque nous offense (Lc 11, 4). Ou encore : Ne condamnez point, et vous ne serez point condamnés (Lc 6, 37). Et aussi : Si vous pardonnez aux hommes leurs offenses, votre Père céleste vous pardonnera aussi (Matth. 6, 14). Afin de donner à son peuple la connaissance du salut par le pardon de ses péchés (Lc 1, 77).

Si donc tu présentes ton offrande à l'autel, et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande devant l'autel, et va d'abord te réconcilier avec ton frère ; puis, viens présenter ton offrande (Matth. 5, 23-24).

Et il leur dit : Ainsi il est écrit que [...] le pardon des péchés serait prêché en son nom à toutes les nations, à commencer par Jérusalem (Lc 24, 46-47).

Mais moi, je vous dis: Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent (Matth. 5, 44). Parole que le Christ mit en pratique lorsque, sur la croix, il pria pour ses bourreaux : Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu'ils font (Lc 23, 34).

Il pardonna au paralytique (Lc 5, 18-25), à la femme pécheresse qui lui versa du parfum sur les pieds (Lc 7, 37-50) ou encore à la femme adultère dont il empêcha la lapidation (Jn 8, 3-11), et recommanda à Pierre de pardonner à son frère jusqu'à 70 fois 7 fois (Matth. 18, 21-22).


Pourtant, ce pardon n'est pas sans limites. Il est même parfois présenté comme impossible.

C'est à vous qu'a été donné le mystère du royaume de Dieu ; mais pour ceux qui sont dehors tout se passe en paraboles, afin qu'en voyant ils voient et n'aperçoivent point, et qu'en entendant ils entendent et ne comprennent point, de peur qu'ils ne se convertissent, et que les péchés ne leur soient pardonnés (Mc 4, 11-12).

Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! parce que vous fermez aux hommes le royaume des cieux ; vous n'y entrez pas vous-mêmes (Matth. 23, 13).

Si quelqu'un scandalisait un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on suspendît à son cou une meule de moulin, et qu'on le jetât au fond de la mer (Matth. 18, 6).  

Tout péché et tout blasphème sera pardonné aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera point pardonné (Matth. 12, 31).

Il dira à ceux qui seront à sa gauche : Retirez-vous de moi, maudits ; allez dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges. Car j'ai eu faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; j'ai eu soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'étais étranger, et vous ne m'avez pas recueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas vêtu ; j'étais malade et en prison, et vous ne m'avez pas visité. [...]  Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous n'avez pas fait ces choses à l'un de ces plus petits, c'est à moi que vous ne les avez pas faites. Et ceux-ci iront au châtiment éternel. (Matth. 25, 41-46).

Il n'y a, dans cette description du jugement, aucun blasphème contre l'Esprit, dont il est dit qu'il ne sera pas pardonné. Sauf si l'on considère que l'Esprit est le souffle de vie qui anime toute la création. Le blasphème contre l'Esprit ne doit alors pas être assimilé aux croyances erronées, mais au non-respect ou à la destruction de la vie.

L'apôtre Jean écrira : Il y a un péché qui mène à la mort ; ce n'est pas pour ce péché-là que je dis de prier (1Jn 5, 16).

Quand les vignerons virent le fils, ils dirent entre eux : Voici l'héritier ; venez, tuons-le, et emparons-nous de son héritage. [...] Maintenant, lorsque le maître de la vigne viendra, que fera-t-il à ces vignerons ? Ils lui répondirent : Il fera périr misérablement ces misérables. (Matth. 21, 38-41). 

Au regard de cette dernière parabole, les paroles du Christ sur la croix - Père, pardonne-leur - revêtent un caractère particulier. Car le Christ ne pardonne pas à ses bourreaux, ni n'affirme que leur péché est effacé, comme il l'a fait tant de fois. Il prie son Père de leur pardonner tout en sachant, pour nous l'avoir annoncé, que ce pardon ne sera pas accordé. 

Le Christ ne saurait, malgré sa prière, obtenir le pardon d'un crime que sa gravité extrême rend impardonnable, mais il n'en garde pas moins une conscience pure, tant que ni la vengeance ni la colère ne viendront la corrompre. Cela rejoint ce qu'il disait à ses disciples : En entrant dans la maison, saluez-la ; et, si la maison en est digne, que votre paix vienne sur elle; mais si elle n'en est pas digne, que votre paix retourne à vous (Matth. 10, 12-13).

Ainsi, l'amour des ennemis qu'il commande vise en premier lieu à ne pas pervertir la conscience du juste par la colère et la vengeance plus qu'à placer sur un pied d'égalité le juste et l'impie. Qu'il soit chrétien ou non, le père du policier assassiné le 13 juin dernier nous a donné un magnifique exemple de cette attitude prônée dans l’Évangile.


Bien souvent, le pardon divin n'est ni inaccessible, ni automatique, ni figé de manière inéluctable. Il est lié à nos choix propres et à nos actes. Ainsi en est-il de la parabole du jugement dernier dont il est fait mention ci-dessus. Il en est de même pour la femme adultère à laquelle le Christ a pardonné en lui disant de ne plus pécher (Jn 8, 3-11). Nul ne sait si elle a suivi ce conseil. 
 
Il en est de même lorsque le Christ dit : Prenez garde à vous-mêmes. Si ton frère a péché, reprends-le ; et, s'il se repent, pardonne-lui. (Lc 17, 3). Ce n'est que s'il change que l'homme mérite le pardon.
 
Le pardon est également lié à l'amour que nous donnons autour de nous. Ainsi, le Christ dit au sujet de la femme pécheresse : ses nombreux péchés ont été pardonnés car elle a beaucoup aimé (Lc 7, 47-50).

La foi pure et sincère est aussi un chemin qui rend le pardon possible, comme il le dit à la femme atteinte d'une perte de sang depuis 12 ans (Mc 5, 34) ou à la pécheresse (Lc 7, 50).

Certains affirmeront que le larron sur la croix (Lc 23, 40-43) fut pardonné pour sa foi en reconnaissant le Christ comme Dieu, d'autres que c'était par la conscience de ses fautes et l'acceptation de sa peine, d'autres encore qu'il s'agissait d'un don gratuit du Christ. Si c'était uniquement un don gratuit, le mauvais larron en aurait également profité ; et s'il ne s'agissait que de la foi, l'apôtre Jacques rappelle que les démons croient et ils tremblent (Jac. 2, 19). L'attitude du bon larron est un tout et ce tout a conduit à lui ouvrir les portes du paradis.

Le don gratuit de Dieu, s'il s'applique souvent, ne conduit pas toujours au pardon. Ainsi le Christ guérit les dix lépreux, mais ne pardonna les fautes qu'au Samaritain revenu le remercier : Jésus, prenant la parole, dit : Les dix n'ont-ils pas été guéris ? Et les neuf autres, où sont-ils ? Ne s'est-il trouvé que cet étranger pour revenir et donner gloire à Dieu ? Puis il lui dit : Lève-toi, va ; ta foi t'a sauvé. (Lc 17, 11-19)


Une autre erreur couramment admise dans l’Église catholique est de considérer que tout homme est notre prochain et tout péché une offense dans le sens de celle que le Christ appelle à pardonner dans le Notre Père.

Lorsque le Christ raconte la parabole du Bon Samaritain (Lc 10, 25-37), il met en avant plusieurs personnages : des brigands, un blessé, des curés de l'époque et un païen de Samarie. Il loue l'humanisme du païen qu'il oppose à l'indignité des prêtres et invite chacun à suivre son exemple de compassion. Mais, pour ce qui est du blessé, le Christ dit que seul celui qui lui est venu en aide est son prochain.

C'est en dépit des paroles de l’Évangile que l’Église affirme benoîtement que tout homme est notre prochain. Tout homme est appelé à aider ceux qui sont dans le besoin, mais seuls ceux qui nous ont aidé en dépit des circonstances méritent que leur soit appliqué ce commandement divin : tu aimeras ton prochain comme toi-même.

De même, le Christ commande de pardonner à son frère jusqu'à 70 fois 7 fois, mais tout le monde n'est pas notre frère. Il y a des hommes dont l’œuvre de destruction fait qu'ils sont nos ennemis et non nos frères.

Les mots utilisés dans le Notre Père ne visent pas à mettre sur un pied d'égalité la victime et son bourreau, tous deux indignes devant Dieu. Cette prière exclut de fait les crimes dont le Christ nous dit par ailleurs qu'ils ne seront pas pardonnés.

Le Christ affirme à Pierre : ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux, et ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux (Matth. 16, 19). Le clergé s'estime être le légataire de ce pouvoir, mais il ne s'agit là que d'une extrapolation non-fondée. Et l'on comprend que les membres du clergé cherchent à nous le faire croire : cela fait d'eux les égaux de Dieu, capables de damner ceux dont ils auront décidé de ne pas pardonner les fautes, et d'expédier au paradis les pires de leurs amis criminels. Cela place le pauvre hère, crédule et inculte, sous la domination d'êtres avides de pouvoir et potentiellement maléfiques.

Mais, dans le même temps, le Christ annonce qu'il dira à ces membres du clergé, qui se réclameront de lui au jour du jugement, qu'il ne les a jamais connus (Matth. 7, 22). Comment pourrait-il être lié par les décisions de personnes qu'il ne connaît pas ? Il dit de ceux qui suivent l'enseignement du clergé du seul fait de l'habit qu'il porte : Si un aveugle conduit un aveugle, ils tomberont tous deux dans une fosse (Matth. 15, 14).


Ainsi, il y a clairement des actes posés par le clergé, hors de tout discernement, qui n'ont aucune valeur spirituelle, religieuse ou métaphysique. La protection des pédophiles et leur pardon en font partie, mais pas seulement.

Pire : le clergé en vient parfois à faire naître un sentiment de culpabilité en la victime qui ne pardonne pas, à coup de citations de l’Évangile détournées de leur sens profond. À l'opposé, il lui arrive de considérer que le juste est finalement le pécheur qui se confie à lui. Il s'agit là d'une inversion des valeurs catastrophique, car le pardon dépend tout autant de Dieu que de la victime qui a pu obtenir réparation, comme le montre l'exemple de Zachée.

Zachée, se tenant devant le Seigneur, lui dit : Voici, Seigneur, je donne aux pauvres la moitié de mes biens, et, si j'ai fait tort de quelque chose à quelqu'un, je lui rends le quadruple. Jésus lui dit : Le salut est entré aujourd'hui dans cette maison (Lc 19, 8-9). Zachée est le seul pécheur à qui le Christ n'a pas pardonné. Ici, il n'y a aucune formule de celles qui jalonnent l’Évangile : Tes péchés te sont pardonnés, va et ne pèche plus.

Son engagement sincère à réparer le tort fait à ses victimes a suffi pour le rendre digne du salut, indépendamment de toute confession et de tout pardon prononcé. Mais que pourra donner celui qui a pris une vie ou une innocence pour réparer sa faute ?