de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

dimanche 25 janvier 2015

151- Église grecque, exarchat de Moscou part. 3




Les règles de l’Église orthodoxe sont relativement simples à comprendre. Si une chose est évoquée dans l’Évangile, qui englobe ici le début des Actes des Apôtres, alors la référence du texte saint prime sur toute autre interprétation qui pourrait avoir été donnée, aussi savante puisse-t-elle paraître.

La conception de l'organisation de l’Église vient directement de deux passages. Tout d'abord celui dans lequel le Christ envoie ses disciples à travers le monde pour annoncer la bonne nouvelle de son message (Matth. 28, 16-20). Il ne place aucun d'entre eux au-dessus des autres et laisse chacun libre de suivre l'Esprit qui le guide. 

Le second est celui où est relatée la manifestation de la Pentecôte. Lorsque l'Esprit-Saint apparut aux disciples dans le cénacle, il le fit sous forme de langues de feu. Chaque langue descendit sur chacun des apôtres (Act. 2, 1-12). Si l'Esprit avait voulu créer une hiérarchie, il serait descendu sur André, ou sur Pierre, ou sur Jean, ou sur un autre, et se serait ensuite répandu sur les autres par l'imposition des mains, ou un souffle, ou un autre moyen émanant de cet apôtre.

De ces deux événements vient la conception multipolaire de l’Église chrétienne. L'Esprit s'est répandu par le monde grâce à tous les hommes de bonne volonté qui ont accepté de porter son message d'amour, sans que celui-ci ne soit relayé par une autorité centralisée.

Les rois mages n'étaient pas des juifs, les bergers n'étaient pas des prêtres... et pourtant chacun s'est inscrit à son niveau dans l'histoire du salut. Aujourd'hui encore, l'Esprit n'a pas besoin d'une autorité centralisée pour poursuivre l’œuvre qui est la sienne depuis l'origine du monde.

Des églises indépendantes, dites autocéphales, se sont constituées pour des raisons administratives et politiques, mais le cœur vivifiant de l’Église réside dans la foi, et non dans l'organisation. C'est pour cela que les Églises orthodoxes n'ont jamais accepté la conception des papes de Rome qui essayent d'asseoir leur autorité sur une primauté qu'ils auraient reçue d'En-Haut.

L'organisation des Églises orthodoxes voudrait donc que chaque Église rayonnante et vivante ait sa propre hiérarchie. C'est ainsi qu'il devrait y avoir une Église des États-Unis, une Église de Chine, ou encore une Église de France. Il y a pourtant en son sein des forces qui tentent de s'opposer à ce fonctionnement.

L'usage de l'autocéphalie est aujourd'hui à nouveau fortement contesté dans son principe. Qu'il soit renvoyé ici à la correspondance polémique, extrêmement intéressante, échangée par le Phanar et le Patriarcat de Moscou dans la première moitié de l'année 1970. La cause en était l'autocéphalie proclamée par Moscou, de l’Église russe en Amérique. Selon la conception russe, toute l’Église indépendante a le droit d'octroyer l'autocéphalie à ses Églises-filles, de sa propre autorité. La reconnaissance de l'autocéphalie est ensuite une affaire interne de l'Église-mère, émanation de la souveraineté d'une Église. Il est nié implicitement que le Phanar et les autres Églises-membres aient leur mot à dire. Le Phanar combat énergiquement les thèses de Moscou : si chaque Église autocéphale s'octroyait le droit de mettre au monde dans sa propre zone, par un acte unilatéral, de nouvelles " filles " autocéphales, cela ne pourrait que conduire " au bouleversement de l'ordre ecclésial et à la confusion générale ". (Friedrich-Wilhelm Fernau, L’Église orientale et son prochain concile, 1972, p. 83).

L'exemple de la France reste sujet à polémique. Car créer une Église de France revient à considérer qu'il n'y a plus de rapprochement possible avec les catholiques. En effet, créer une Église orthodoxe de France autocéphale serait nier toute légitimité à l’Église catholique et rendrait impossible le moindre rapprochement. Prenons un exemple politique pour expliciter mon affirmation : si la région d'Odessa est victime d'atrocités, fût-ce par le pouvoir dont elle dépend, elle reste sous l'autorité de ce pouvoir, même si elle cherche à obtenir justice de ces crimes. Mais le jour où Odessa proclamera son indépendance et la création d'une nouvelle république, il n'y aura plus de rapprochement possible.

Même s'il y a 1000 ans que nous sommes séparés, créer une Église de France serait un geste de rupture d'avec les catholiques aussi fort que le sac de Constantinople par les croisés. C'est pour cela que les orthodoxes n'ont jamais cherché à créer d’Églises autocéphales sur les territoires occidentaux des premiers siècles.

Donc, à moins d'unir les Églises chrétiennes et de les réorganiser, nous n'aurons pas d’Église autocéphale de France avec un patriarche à sa tête. Ce qui sauvegarde la légitimité de la représentation des différents patriarches pour leurs fidèles respectifs. La France n'est pas un pays barbare sur lequel Constantinople pourrait revendiquer une juridiction suivant les termes du 28ème canon du concile de Chalcédoine.

Cette situation fait que nous avons, aujourd'hui, une multiplicité d'évêques, en France, qui dépendent chacun de juridictions différentes. L'Assemblée des Évêques Orthodoxes de France, présidée par monseigneur Emmanuel Adamakis, étant un organe de réflexion plus que de décision.

Un article reprenant la situation dans la diaspora rapportait une décision préconciliaire de Chambésy : " En dépit des Saints Canons, les Orthodoxes, en particulier ceux qui vivent dans les pays occidentaux, sont divisés en groupes ethnico-raciaux. Les Églises ont à leur tête des évêques choisis pour des considérations ethnico-raciales. Souvent ces derniers ne sont pas seuls dans chaque ville et parfois n'entretiennent pas de bonnes relations et se combattent ", ce qui " est une honte pour toute l'orthodoxie et la cause de réactions de Constantinople, qui n'a pas été publiée, et affirment ainsi l'accord des plus hautes autorités de l'Orthodoxie sur ce principe. La décision de Chambésy IV, contresignée par tous les délégués dûment mandatés par toutes les Églises orthodoxes défavorables qui se retournent contre elle ".

 
Si l'on reconnaît que certains pays occidentaux dépendent de Rome, il n'en est rien pour les pays d'Asie, d'Amérique ou d'Afrique. Et ce, même si certains pays d'Amérique du Sud sont aujourd'hui en grande partie catholiques. La bataille de la revendication de ces zones géographiques est stérile au regard de la foi. Il conviendrait que les pays de ces régions du monde jouissent de leur indépendance.

Ils ne seraient alors plus considérés comme des diasporas dans lesquels se retrouvent des immigrés de pays orthodoxes divers, mais comme des pays faisant vivre la foi, chacun en tenant compte de ses spécificités propres. Il serait, à mon sens, parfaitement légitime qu'il y ait une Église du Brésil, ou une Église des États-Unis, tout comme il y a une Église d'Albanie. L'Albanie pourrait avoir son propre patriarche, et les USA non ?

Dans chacun de ces pays, il pourrait y avoir des prêtres célébrant en russe, ou en grec, ou en roumain, dépendant du seul patriarche du lieu, et non d'une multiplicité de patriarches cherchant chacun à faire valoir son influence sur le pays en question. Et le jour où les Églises catholiques et orthodoxes seront à nouveau unies, il faudra envisager que Rome laisse à ces pays-là leur indépendance ecclésiale. Car sinon des conflits de pouvoir et d'intérêts politiques viendront saper les fondements de cette unité retrouvée.


Dans la préparation du grand concile panorthodoxe, les visions des patriarches de Constantinople et de Moscou s'opposent. Constantinople voulant ressusciter à son profit la prééminence qu'elle contestait à Rome en son temps. Et Moscou étant davantage attachée à défendre la conception multipolaire en vigueur depuis plus de 2000 ans.

Le patriarche de Russie, Alexis II, écrivit le 18 mars 2003 au patriarche de Constantinople pour contester l'interprétation que ce dernier faisait des canons des conciles pour asseoir sa propre autorité. Sa lettre est traduite et reproduite ici.

Dépendant moi-même de Constantinople, je ne peux que m'inquiéter de la conception hégémonique qu'elle tend à mettre en œuvre, car cela ne reflète en rien le message du Christ contenu dans l’Évangile, et ne peut être que l'aliment des tensions actuelles et le ferment de divisions à venir.

Les évêques considèrent parfois que l’Église est le corps dont ils sont la tête. Mais une tête vide n'a jamais été utile à celui qui la porte. Pour ma part, j'estime qu'ils devraient en être le cœur, le principe qui donne la chaleur et la vie à tout le reste, le siège de l'amour capable d'en remplir le corps. Peut-être Constantinople comprendra-t-elle alors qu'elle ne poursuit qu'une illusion qui l'a conduite à perdre de vue les valeurs qu'elle était censée défendre.

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