de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 8 mars 2014

105- Trésor de l'Église

Dans l'Ancien Testament, lorsque le temple de Jérusalem fut érigé, le trésor du temple fît également son apparition. C'est à ce trésor qu'étaient versées les offrandes d'or et d'argent que le peuple voulait offrir à Dieu. Ce trésor était à la disposition de la hiérarchie du clergé de l'époque constitué par le Sanhédrin

Les évangiles font souvent référence à ce trésor, mais rarement de façon positive. C'est ainsi que le Christ maudit les scribes et les pharisiens : Malheurs à vous, conducteurs aveugles ! qui dites : Si quelqu'un jure par le Temple, ce n'est rien ; mais si quelqu'un jure par l'or du Temple, il est engagé. Insensés et aveugles ! lequel est le plus grand, l'or, ou le Temple qui sanctifie cet or ? (Matth. 23, 16, 17).

Pour autant, le Christ ne condamne pas l'existence de ce trésor. Mais il ne le considère que comme la mesure de la foi de ceux qui y versent quelque chose. Jésus, ayant levé les yeux, vit les riches qui mettaient leurs offrandes dans le tronc. Il vit aussi une pauvre veuve qui y mettait deux petites pièces. Et il dit : Je vous le dis en vérité, cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres ; car c'est de leur superflu que tous ceux-là ont mis leurs offrandes dans le tronc, mais elle a mis de son nécessaire, tout ce qu'elle avait pour vivre. (Lc 21, 1-4).

Malgré les exemples vertueux manifestés par ce trésor, le Christ a voulu y mettre un terme. C'est ainsi qu'il dit au jeune homme riche venu le questionner sur ce qu'il devait faire pour hériter de la vie éternelle : va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel (Mc 10, 17-23). Il aurait pu lui dire de tout mettre dans le trésor du temple et le louer comme la veuve qui y avait mis tout ce qu'elle possédait. Mais la voie de la perfection allait au-delà de simplement se débarrasser de ses biens. Il fallait que cet argent serve à des choses justes et aide ceux qui en avaient besoin. Ce qui n'aurait manifestement pas été le cas s'il avait versé l'argent au trésor du Temple.
 
C'est en effet de ce trésor que furent prélevées les trente pièces d'argent ayant servi à payer la trahison de Judas. La veuve qui a versé dans le trésor tout ce qu'elle possédait ne l'a pas fait pour que son argent serve à livrer un innocent aux soldats romains. Même si je ne suis pas dans sa tête, il y a fort à parier qu'elle a fait cette offrande en croyant qu'elle servirait une cause juste. En pervertissant l'usage de ce trésor, le clergé de l'époque a posé le fondement de la nécessité de sa disparition.

Lorsque le temps des persécutions contre les premiers chrétiens s'acheva, avec le règne de Constantin, les premiers moines apparurent, d'abord dans le désert d’Égypte. Saint Antoine, considéré comme le premier moine (Saint Athanase d'Alexandrie, Vie d'Antoine, 7, SC 400) s'inspira de la phrase que le Christ dit au jeune homme riche pour vendre ce qu'il avait, le donner aux pauvres, et se retirer au désert. 

Dans la continuité d'Antoine, le désert se remplit d'hommes dont beaucoup de paroles de sagesses nous sont parvenues au travers de textes appelés apophtegmes.

Le père Placide Deseille revient constamment, dans son enseignement et ses écrits, sur ces apophtegmes qu'il considère comme une source abondante servant à abreuver la vie spirituelle. C'est ainsi qu'il écrit : Un frère interrogea l'abbé Poemen en disant : " Mes parents m'ont laissé un héritage, que dois-je faire " Le vieillard lui répondit : " Que te dirais-je frère ? Si je te dis 'porte-le à l’Église et donne-le aux clercs', cela leur servira à faire de bons repas ; si je dis 'donne-le à tes proches, tu n'en auras pas de récompense'. Si donc tu veux m'écouter, donne-le aux pauvres et tu n'auras plus de soucis. " (Placide Deseille, l’Évangile au désert, cerf, Paris, 1999, p. 173, 7).

Cela nous montre plusieurs choses. D'abord, au IVème siècle, âge d'or du christianisme, et à peine 300 ans après le Christ, le clergé chrétien était déjà corrompu.

Ensuite, malgré la corruption, il était et il est toujours possible de vivre une vie spirituelle authentique, à condition toutefois de ne pas suivre l'exemple de n'importe qui sous prétexte qu'il porte un habit ou qu'il exerce une fonction. C'est à l'exemple qu'elle donne que l'on reconnaît la valeur d'une personne, et non à son statut.

On peut également considérer que l’Église n'est une bonne chose que si elle est au service de l’Évangile, et non au service du trésor qu'elle a généré. Car alors elle attire sur elle la même malédiction que le Christ adressa aux scribes et aux pharisiens. 

C'est cette nécessité de dissocier l’Église et l'argent qu'a relevée le pape François lors de son discours aux journalistes, après son intronisation.
 

Monseigneur Emmanuel aime prendre le père Placide comme caution morale. C'est pour cela que, bien que le père Placide ne relève pas de l'autorité canonique du métropolite mais directement de celle du Mont Athos, le métropolite prend le soin de l'inviter aux réunions de son clergé. Au moins pour l'avoir à ses côtés sur la photo.

Métropole grecque - assemblée du 11 novembre 2013

Mais plutôt que de se satisfaire de cette manifestation superficielle, le métropolite gagnerait à considérer que le père Placide rappelle depuis des dizaines d'années et sans ambiguïté que l'argent donné à l’Église n'aura d'autre finalité que de servir aux clercs à faire de bons repas.
 
Métropole grecque - assemblée du 11 novembre 2013
 
Le jour où il aura compris la portée de ces paroles, il cessera de convoiter les héritages des vieilles dames. Et s'il commence à lire les livres du père Placide, il découvrira dans les citations utilisées qu'il y a quelqu'un d'encore plus fou qui a dit : va, vends tout ce que tu as, et donne-le aux pauvres. Et lorsqu'il l'aura fait, il saura que là réside le véritable trésor qu'il est digne de convoiter.

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