de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

mardi 5 juin 2012

52- Œcuménisme appliqué



Au-delà de l’œcuménisme institutionnel, il y a un œcuménisme de proximité très vivant. Nous le voyons dans tous les mariages mixtes, dans de nombreuses relations de voisinage et dans de nombreux domaines de la vie. Les mariages mixtes ont poussé les Églises à reconnaître une partie du sacrement des autres, là où auparavant elles gardaient jalousement leurs frontières.

C'est ainsi qu'un prêtre orthodoxe peut tourner autour d'un autel catholique pour bénir une union, alors qu'il ne reconnaît pas cet autel comme lieu consacré. Il va donner le sacrement du mariage à un catholique, alors qu'il va refuser au même catholique le sacrement de la communion. Il va marier celui à qui il refusera l'extrême onction.



Je me rappelle que ma mère m’emmenait parfois, quand j'étais petit, au foyer Notre Dame des Sans Abri, pour servir le repas aux pauvres le jour de Noël. Même si je lui en ai voulu parce que j'aurais préféré passer Noël ailleurs, je vois aujourd'hui que ça m'a apporté beaucoup dans le regard que je porte sur les autres.

Un jour, elle a affrété un car pour emmener des SDF de ce foyer à Lourdes. C'était une idée saugrenue, parce qu'elle avait du mal à finir de payer ses propres factures tous les mois. Mais elle l'a fait quand même pour remercier la Mère de Dieu. Ma mère fumait trois paquets de cigarettes par jour et n'avait jamais réussi à réduire cette dose. Lorsqu'elle est allée elle-même à Lourdes, elle a définitivement arrêté et n'a plus touché une cigarette jusqu'à sa mort. Elle disait que c'était comme si la cigarette était devenue un corps étranger.

La moitié du car était composée de musulmans qui avaient été les premiers à s'inscrire pour aller voir ce lieu où Dieu se manifestait. Cela avait surpris le personnel du foyer.

Je crois que je connais plus de lieux de pèlerinage catholiques que de lieux orthodoxes. J'ai même visité le Vatican et assisté aux audiences du pape !

La vérité, c'est que Dieu dit : Je donne ma grâce à qui je veux, et je fais miséricorde à qui me plaît (Ex. 33, 19). L’Église orthodoxe a le rôle de rendre présente la plénitude de la vérité, mais elle ne peut que constater que l'Esprit souffle où il veut (Jn 3, 8).

Le Christ dit : Nul ne vient au Père que par moi (Jn 14, 6). Pourtant, saint Justin de Rome, et d'autres Pères de l’Église avec lui, ont dit dès les premiers siècles que Dieu avait semé dans le monde des semences de vérité (logoi spermatikoi). L'homme a utilisé ces semences dans sa quête du divin et sa recherche de justice et de vérité. C'est par ces semences que Platon ou Socrate sont considérés comme des saints : Le Christ est le premier né de Dieu, son Logos, auquel tous les hommes participent : voilà ce que nous avons appris et dont nous témoignons... Tous ceux qui ont vécu selon le Logos sont chrétiens, même s'ils ont passé pour athées, comme, chez les Grecs, Socrate, Héraclite et leurs semblables (Justin de Rome, Apologie I, 46, PG 6, 397).

Ces philosophes de l'antiquité sont même représentés sur les murs de certaines églises orthodoxes, comme ici dans l'église du monastère d'Eleousa, à Ioannina, en Grèce.



Je me rappelle que le père Placide Deseille disait : quelqu'un qui sait où se trouve la vérité et qui s'en éloigne commet une faute, mais quelqu'un qui ne sait pas où elle se trouve et qui la cherche peut être sauvé, même s'il ne trouve pas pleinement ce qu'il cherchait. C'est toujours le Christ qui sauve, mais Dieu est infini et on ne peut lui donner de limite dans les moyens qu'il utilise pour parvenir au salut des hommes.

On retrouve cette pensée dans les prières de l’Église. On ne nomme dans les prières que les noms des personnes baptisées orthodoxes. Par exemple, on dira, lors de l'enterrement d'un Nicolas orthodoxe : Souviens-toi, Seigneur, de ton serviteur Nicolas. Mais si c'est un Nicolas non orthodoxe qui est décédé, l’Église priera pour lui, mais sans le nommer, en disant : Souviens-toi, Seigneur, de ton serviteur défunt.

L’Église manifeste ainsi que le message du Christ qu'elle porte est la plénitude de la vérité, mais elle sait que Dieu est libre et qu'il ne s'arrête pas à ce que l'homme connaît.

Nous trouvons cette histoire dans les apophtegmes des pères du désert. Abba Macaire dit : " Marchant un jour dans le désert, je trouvai le crâne d'un mort gisant sur le sol. Comme je le remuais avec mon bâton, ce crâne me parla : [...] A quelque heure que tu te prennes de pitié pour ceux qui sont dans les tourments, et que tu pries pour eux, ils ressentent un peu de soulagement. " (Jean-Claude Guy, Paroles des anciens, Apophtegmes des pères du désert, éd. Sagesses, p. 105, 22). Cette histoire est l'un des innombrables exemples qui nous montrent que Dieu utilise la prière des saints pour le salut de tous les hommes, et même pour apaiser la condamnation des pires d'entre nous.

Toute la musique de Jean-Sébastien Bach est construite sur les psaumes et sur les Évangiles. Même s'il n'était pas orthodoxe, je ne serais pas assez fou pour dire qu'il n'a pas été inspiré par l'Esprit, tellement sa musique porte en elle la beauté. Marthe Robin, chez les catholiques, a eu une vie d'ascèse extrême, proche de celle de saint Siméon le Stylite. Il est d'ailleurs surprenant que son dossier de canonisation soit toujours en cours d'instruction, depuis plus de 25 ans, alors que celui de Jean-Paul II, le protecteur des pédophiles, tel que le rapport Cloyne le mentionne, a été bouclé en quelques mois. Peut-être que pour Marthe Robin les catholiques savent qu'ils ont le temps, parce qu'elle sera toujours sainte...

L'un des plus gros problèmes, si les catholiques et les orthodoxes décident de s'unir, ce ne sera pas de régler les questions dogmatiques. Il y a longtemps que les catholiques ne croient plus dans l'infaillibilité du pape et autres ajouts tardifs. Le problème sera de définir qui est saint et qui ne l'est pas. Car c'est souvent leur politique que les papes ont canonisée, comme avec monseigneur Stépinac, plutôt que la sainteté douteuse de certains personnages.

C'est sur cette question de liste des saints que les orthodoxes et les coptes n'arrivent pas à s'entendre pour s'unir à nouveau.

C'est saint Jean le Théologien qui a le mieux résumé l'histoire du salut : celui qui aime connaît Dieu, [...] car Dieu est amour (1Jn, 4, 7-8). C'est d'ailleurs pour cela que, malgré certaines de mes positions qui peuvent paraître anti-œcuméniques, j'attache plus d'importance à l'humanité qui se dégage des personnes plutôt qu'à leur étiquette. C'est toujours pour cela que je crois que celui qui pourrait le mieux présider notre communauté aujourd'hui est le docteur Ladias.

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