Le
père Athanase ne m'a jamais demandé pourquoi je ne me mariais pas avec
Caroline. Mais, par contre, il m'a montré chaque jour l'exemple de ce que lui
considérait être juste de faire dans une vie équilibrée, conforme à l’Évangile,
pour tenter de progresser vers Dieu. En cela, il a été conforme à l'exemple que
de nombreux spirituels ont montré dans la tradition chrétienne. On raconte par
exemple, dans les apophtegmes des pères du désert (recueil de paroles de
sagesse des moines entre le IVe et le VIe siècle), qu'un vieux moine ne parlait
jamais à ses disciples. Un jour, les disciples sont allés se plaindre auprès
d'autres moines réputés qui sont venus voir l'ancien et lui ont demandé : Père,
pourquoi ne donnes-tu pas d'enseignement à tes disciples ? Celui-ci
répondit alors : S'ils ne font pas ce que je fais, pourquoi feraient-ils ce
que je dis ? C'est toujours par l'exemple des plus sages que la tradition
chrétienne s'est propagée.
Le
problème du père Nicolas est donc éthique, parce que c'est précisément celui qui,
à peine arrivé, me demandait de me marier, qui semblait montrer un certain
laxisme sur les obligations de la vie maritale.
Lorsque
Michèle Aliot-Marie a été confrontée au problème de ses
vacances passées en Tunisie au moment de la répression de Ben-Ali, elle a
dit qu'elle était en vacances, que c'était sa vie privée et qu'elle n'avait pas
de compte à rendre sur ces périodes-là. Bien évidemment, l'argument n'a pas
tenu et elle a dû démissionner. L'argument n'a pas tenu parce que la vacance du
pouvoir n'existe pas en droit : si elle avait téléphoné et donné un ordre en
tant que ministre, vacances ou pas, l'ordre aurait été valide.
Avec
un prêtre, le problème de la vie privée est encore plus complexe car le prêtre
revendique justement de vouloir transformer nos vie privées par l'exemple de la
sienne pour nous montrer un chemin de justice qui peut nous conduire vers Dieu
à travers l'application du message de l’Évangile. Le prêtre expose donc
l'exemple de sa vie privée bien plus que l'exemple de sa vie publique. Si le
prêtre a un petit creux vers 1h du matin, après avoir lu les dernières
nouvelles sur internet, il va bénir son kourabié et sa bénédiction aura la même
valeur à n'importe quelle heure de la journée. C'est pour cela d'ailleurs qu'il
peut se lever à n'importe quelle heure de la nuit s'il faut aller administrer
l'extrême onction à un malade : il n'y a pas des heures durant lesquelles il
est prêtre et des heures durant lesquelles il ne l'est pas. Toujours dans le
domaine de la vie privée, le prêtre reçoit le fidèle pour la confession, écoute
ce qu'il a de plus douloureux ou de plus caché, et sert de lien avec Dieu pour
lui apporter le pardon. L'exercice étant particulièrement difficile, il devient
totalement impossible si le prêtre n'est pas irréprochable dans sa vie. C'est
pour cela que, dans l'orthodoxie, on distingue presque toujours le prêtre de paroisse,
qui administre les sacrements courants, du père spirituel, homme sage et
réputé, que l'on va choisir pour se confesser et pouvoir bénéficier de ses
conseils et de sa sagesse. Le jeune prêtre n'ayant généralement pas le droit de
confesser car la conséquence directe est la mésaventure vécue par mademoiselle
P. Mais là, la responsabilité incombe à l'évêque à qui il revient d'interdire
au prêtre de confesser s'il n'a pas l'intime conviction que celui-ci est prêt à
porter le poids des fautes des autres. Et force est de constater que l'évêque a
manqué de clairvoyance en autorisant le père Nicolas à confesser.
Nous
étions restés, dans le précédent message, au mail que j'avais envoyé au père
Nicolas. Vous avez lu la nature de ce mail et la moindre des choses, si ce qui
est décrit est faux, c'est qu'il y ait un démenti. Le père le sait parfaitement
et j'ai eu plusieurs exemples où il a réagi tout de suite. Le dernier en date
étant cette semaine, quand je lui ai montré les statuts de l'association qu'il
a redéposés en préfecture en y apportant des modifications alors que la
dernière assemblée générale avait refusé de voter pour modifier les statuts au
motif que ce n'était pas à l'ordre du jour. Je reviendrai sur ce point dans un
article dédié car il est complexe, lourd de conséquences et qu'il demande la
production de plusieurs documents qu'il serait trop long de montrer maintenant.
Les
premières heures sont donc passées, puis un jour, puis deux, et toute la
semaine sans que j'aie la moindre réaction à mon mail. Le dimanche suivant, le
père était particulièrement gêné. Le typikon (ordonnancement des offices de
l’Église) prévoit que si deux prêtres se retrouvent pour célébrer, celui qui
est le plus élevé dans la hiérarchie célèbre et l'autre concélèbre (se tient à
ses côtés devant l'autel dans un rôle honorifique mais accessoire). Si les deux
prêtres ont le même rang, c'est celui qui a été ordonné depuis plus longtemps
qui célèbre. Si l'on veut laisser l'honneur de célébrer à un prêtre inférieur
en rang ou en date d'ordination, par exemple un hôte que l'on reçoit, alors le
prêtre qui aurait dû normalement célébrer reste dans le sanctuaire mais ne
revêt pas ses ornements et ne participe pas à la liturgie en tant que
célébrant.
Mais
ce dimanche-là, le père Nicolas n'arrivait pas à chanter et ne pouvait pas non
plus se permettre de ne pas revêtir ses ornements, alors il a laissé le père
Antoine Callot, en visite dans notre paroisse, célébrer. C'était la première
fois où j'ai vu un archiprêtre concélébrer aux côtés d'un prêtre. Mademoiselle
P. est venue à l'église. Le père l'a alors attrapée, juste après la
liturgie, et l'a conduite dans la salle de cours en compagnie de Christos K.,
membre du comité, et l'a enfermée. Je ne sais pas ce que ça donne en droit
français, mais, pour avoir fermé la porte à la femme de chambre, Strauss-Kahn
risquait 20 ans de prison.
Au
bout de trente minutes, ne voyant personne redescendre, j'ai demandé à Stelios
K., autre membre du comité, d'aller voir si tout se passait bien en haut. Sans
poser de questions, et sachant que je n'ai pas l'habitude de ce genre de
requêtes, il est monté et est redescendu aussitôt en me disant : C'est fermé
en haut des escaliers, qu'est-ce qui se passe ? Nous avons attendu
longtemps et, quand P. est redescendue, Stelios K. l'a interrogée pendant que
Christos K., qui avait été présent avec le père, venait me dire : Qu'est-ce
que tu cherches ? Tu ne vois pas ce qui va se passer si ça se sait ?
Je
n'ai jamais aimé les faux suspenses des séries télévisées, mais le message
commence à être long alors la suite sera pour demain.
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