de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

jeudi 2 janvier 2014

95- Dieudonné

Avant toute chose, je me plierai aux usages en souhaitant une bonne année à tous.

Si l'on en croit les médias français de ces derniers jours, le problème principal de la France ne serait ni le chômage de masse, ni la crise économique de l'Europe, ni les guerres diverses qui secouent le monde, mais Dieudonné qui symboliserait le renouveau de l'antisémitisme. Il y a longtemps que je n'ai pas eu le temps d'écrire sur ce blog et, bien qu'il y ait de nombreux sujets que j'aimerais aborder, c'est celui-ci sur lequel je voulais revenir aujourd'hui.

Au-delà des mots que les médias utilisent, parfois de façon simplement marketing ou tout du moins avec un manque de rigueur littéraire certain, il convient de revenir sur certaines définitions de base. Pour savoir qui est antisémite, il faut au préalable se demander qui est sémite.

Wikipédia nous donne cette définition très claire : En linguistique, les Sémites sont l'ensemble des peuples utilisant ou ayant utilisé les langues sémitiques. Cette notion est reprise par la linguistique contemporaine pour poursuivre l'étude de ces langues. En ethnologie, ce sont les peuples (actuels ou anciens) parlant une langue du groupe sémite, c'est à dire au Moyen-Orient, dans la Corne de l'Afrique (seulement l'Érythrée et l'Éthiopie), la péninsule Arabique, le Croissant fertile et en Afrique du Nord.

Vient ensuite une liste des langues et peuples sémites éteints, puis des langues et peuples sémites actuels : les Assyriens (Irak, Syrie, Iran), les Amharas (Ethiopie), les Arabes de tous les pays, les Hébreux, les Maltais, les Mandéens (Irak, Iran) ; les Syriaques (Proche-Orient), l'araméen...

Les peuples sémites sont les peuples issus de Sem, fils de Noé et ancêtre d'Abraham.

Toujours dans les définitions de base, être raciste, c'est considérer que certaines races sont supérieures à d'autres, entraînant une attitude d'hostilité contre les races jugées inférieures.

Être raciste est donc une attitude globale envers ceux que l'on considère comme inférieurs, et non une attitude visant telle ou telle personne. Tout comme être antisémite est une attitude de rejet des peuples sémites. Bien que le mot antisémite soit utilisé dans le langage courant comme visant les juifs, ce serait un non-sens de dire qu'un Iranien Assyrien ou Mandéen serait antisémite car il est lui-même sémite. Il peut être anti-juif, anti-judaïque, voire antisioniste, définition sur laquelle nous allons revenir, mais pas antisémite. De la même façon, un Israélien qui va lâcher une bombe sur des Palestiniens ne sera pas davantage antisémite, car il est tout autant sémite que ses victimes.

Dieudonné peut-il être considéré comme antisémite ? Dans la mesure où il est entouré d'Arabes, qui sont des sémites, la réponse est non. 

Peut-il alors être considéré comme anti-juif ? Sa page facebook montre qu'il est tout autant entouré de Juifs que d'Arabes. Cette accusation ne tient pas davantage que la première. La photo ci-dessous vient de la page facebook d'Alain Benajam.




Mais alors qu'est-ce que Dieudonné est ? Il est tout d'abord une personne qui s'est défendue lorsqu'il a été attaqué sur l'un de ses sketchs. De cette défense est née une attitude de révolte contre un système qui a voulu le briser sans y parvenir, ce qui a eu pour conséquence de le rendre plus fort et d'en faire un porte parole de ceux qui sont injustement accusés.

J'ai récemment regardé plusieurs de ses vidéos et, n'en déplaise à monsieur Valls, il y a des passages très drôles. Il traite de sujets divers avec le même esprit caustique que Coluche. J'aime bien celle du Vert désabusé qui devient Gris... Coluche était-il anti-catholique quand il disait qu'on pouvait trouver plus con que les sportifs et les militaires, mais qu'il ne voulait pas se fâcher avec les catholiques ? Dieudonné est-il antisémite dans son sketch du rabbin nazi ? Je crois que les deux utilisent la même forme d'humour. Les Juifs de France ont d'ailleurs clairement pris sa défense par une série de tweets et un texte repris ici.

Le message qui ressort des vidéos de Dieudonné est qu'il considère qu'il n'y a pas un génocide qui soit supérieur à un autre. Le génocide des Juifs par les nazis n'est pas plus condamnable que le génocide des Africains par les esclavagistes ; ni plus que celui des Indiens d'Amérique par les colons qui avaient envahis leurs terres ; ou que celui des Japonais d'Hiroshima et Nagazaki par les Américains. Il est tout autant condamnable que celui des Serbes par les Croates alliés des nazis ; tout autant que celui des Arméniens par les Turcs ou tout autant que celui des Palestiniens par les Israéliens. Il est tout autant condamnable que tous les génocides de tous les âges, même si, d'une façon littérale, tous les exemples cités ne correspondent pas exactement à la définition du génocide. Gilad Atzmon, juif, jazzman et auteur, a pris la défense de Dieudonné sur ces questions dans cette vidéo.


Partant de cela, laisser se moquer de certains génocides alors qu'il n'est pas possible de se moquer d'autres est une injustice. Soit une injustice pour la mémoire de ceux qui sont morts, soit une injustice pour la liberté d'expression. Mais le principe d'égalité fondateur de la République ne permet pas une double appréciation. Il ne permet pas de considérer que certains devraient être indemnisés pour leur préjudice et les autres non. Il ne permet pas de considérer que le Piss Christ (photo du Christ immergé dans de la pisse) serait une œuvre d'art défendue par Frédéric Mitterand et que le Piss David d'un artiste taliban méconnu serait de l'antisémitisme. Surtout, il ne permet pas de rendre légitime le martyr du peuple Palestinien. 

Car c'est bien pour justifier le martyr du peuple Palestinien que toute la confusion moderne d'antisémitisme a été véhiculée par les médias et certains lobbies. Ce sont les Juifs eux-mêmes qui expliquent le mieux la situation et défendent Dieudonné. Je n'ai rien trouvé de plus clair à présenter que cette vidéo de rabbins.

Lorsque les Palestiniens se sont fait voler leurs terres et ont commencé leur long calvaire qui se poursuit aujourd'hui, leurs bourreaux ont tenté de décrédibiliser les consciences qui s'élevaient en les associant à des antisémites. De telles accusations étaient purement marketing pour les raisons évoquées ci-dessus car le problème n'a jamais été le judaïsme, mais le sionisme.

Pour ma part, je pense que Dieudonné est l'une de ces consciences. Il s'élève contre des injustices et, à ce titre, est fondamentalement antisioniste. Il a reçu le soutien officiel de rabbins dans cette autre vidéo, rabbins qui sont sémites, juifs religieux et profondément antisionistes.


Qu'est-ce que le sionisme ? Il s'agit d'une idéologie qui tend à vouloir transformer la religion juive en un État d'où seraient exclus ceux qui ne partagent pas cette religion. Tout comme les salafistes veulent des républiques islamistes un peu partout dans le monde. Mais si nous condamnons unanimement ces fascistes musulmans qui tuent ceux qui ne pensent pas comme eux et veulent imposer à tous leur idéologie, qu'est-ce qui justifierait que l'on fasse l'éloge des mêmes fascistes juifs qui procèdent du même esprit d'exclusion des autres, fût-ce par l'extermination ?

J'évoque des fascistes juifs car la définition de ce mot parle de pouvoir imposé par la force au service d'une classe dominante. Suivant cette définition, c'est du fascisme de stériliser de force toutes les femmes noires éthiopiennes qui avaient immigré en Israël, du fascisme de vouloir interdire la nationalité israélienne à quelqu'un qui ne prêterait pas allégeance à un Israël purement juif, ou du fascisme de refuser à la partie noire de la population de donner son sang, même s'agissant d'une députée.

J'ai vu monsieur Valls s'élever ces derniers temps contre Dieudonné qui ferait son business sur la haine. Mais, sauf erreur, monsieur Valls représente un État qui vend des armes qui tuent tous les jours, alors que monsieur M'Bala M'Bala n'en vend pas. Je ne suis pas sûr que monsieur Valls soit bien placé pour critiquer le business de la haine alors que son président négocie pour trois milliards d'euros la vente d'armes à l'Arabie Saoudite. Les armes qu'il vend ne sont pas destinées à faire pousser des fleurs.

Il y a des raisons légitimes pour vendre des armes ou les utiliser. Mais au-delà de toute légitimité, cela reste un business de haine. Or, à supposer que le business de haine qu'attaque monsieur Valls soit réel, il ne laisse en rien supposer qu'il ne soit pas légitime.

Au-delà des mots utilisés, il faut se demander qui est dangereux. Est-ce celui dont les mots acerbes provoquent le rire lors de spectacles, ou celui dont les armes tuent des innocents tous les jours ? Pour ma part, je pense que Netanyahou est beaucoup plus dangereux que Dieudonné car l'un a le sang d'innombrables innocents sur les mains et l'autre n'en a pas. Pourtant Hollande a exprimé son amour à Netanyahou comme l'a montré ce reportage de Canal+, alors même que Chirac avait des mots très durs contre les dirigeants Israéliens. Si donc notre actuel président estime que le meurtrier fasciste d'extrême droite est digne d'éloges, a quel titre devrait-on condamner l'humoriste ?

Monsieur Valls veut-il vraiment combattre les injustices au-delà de chercher à assurer le développement de sa propre carrière ? Alors qu'il s'attaque aux véritables meurtriers et qu'il arrête de vouloir nous faire croire que Dieudonné serait dangereux. Parfois vulgaire, certes, mais certainement pas dangereux.

Jean-Jacques Goldman se demande, dans l'une de ses chansons, ce qu'il serait devenu s'il était né en 17 à Leidenstadt. Pour ma part, je pense que nous avons tous la possibilité d'avoir la réponse à cette question à l'aune de ce que nous sommes aujourd'hui. 

Sommes-nous sans consistance, sans jamais oser nous affirmer devant les injustices que nous croisons ? Sommes-nous des instruments du pouvoir qui exécutons docilement les ordres reçus quels que soient ces ordres ? Sommes-nous des opportunistes, à essayer de profiter au mieux des situations en nous disant que si ce n'est pas nous qui le faisons, d'autres le feront à notre place ? Ou bien sommes-nous les improbables consciences dont parle Goldman ? 

La définition d'une conscience est qu'elle se lève dès qu'elle rencontre une injustice, quelle que soit cette injustice. Elle sait que son intérêt supérieur n'est pas son portefeuille ou le pouvoir qu'elle tient de ses responsabilités, mais la sauvegarde de ses idéaux. Partant de ce principe, je suis persuadé que Dieudonné n'est pas le danger que Valls nous présente, mais qu'il est l'improbable conscience qui dérange le pouvoir. Car, au-delà des mots qu'il utilise pour mettre en exergue ces injustices qu'il dénonce, je pense qu'il serait le premier à donner sa vie pour les Juifs si ceux-ci étaient victimes et non bourreaux. Car c'est bien uniquement aux bourreaux qu'il s'en prend. 

Monseigneur Emmanuel, qui lit l’Évangile tous les jours, sait que les Évangélistes ont relaté à de multiples reprises tous les faux prétextes qui ont été véhiculés par les autorités de l'époque du Christ pour tenter de discréditer son message. Le sang de la petite Blandine de Lyon et des premiers chrétiens témoigne encore des méfaits du pouvoir de l'époque et de la diffamation qu'il véhiculait sur eux. En tant que représentant d'une Église qui a souffert des mêmes méthodes perverses de manipulation que Dieudonné combat aujourd'hui, je suis sûr qu'il s'associerait à moi pour ne pas accepter ce qui se passe, et qu'il adresserait au système en place la célèbre quenelle !

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