de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

samedi 29 septembre 2012

60- Laissez les enfants venir à moi



Lorsque monseigneur Emmanuel Adamakis est venu pour l'assemblée générale de l'association, le 20 février 2011, il a présidé la liturgie du dimanche. C'était le jour où l'on fêtait la parabole du fils prodigue, avec le traditionnel manque d'inspiration qui accompagne les homélies liées à ces grands classiques de l’Évangile.

Rompant la monotonie ambiante, Stelios a dit d'une voix forte, pendant l'homélie : Παρακαλώ, σεβασμιότατε, μιλήστε πιο δυνατά, γιατί εδώ πίσω, δεν σας ακούμε ! (S'il vous plaît, Monseigneur, parlez plus fort, car ici derrière nous ne vous entendons pas !) Ce à quoi l'évêque lui a répondu : Εάν κάνετε τα παιδιά σας να κάνανε πολύ πιο ησυχία, θα με ακούσατε (Si vous faites taire vos enfants, vous m'entendrez).

Pour moi, c'est la citation d'Emmanuel que je préfère. Pour ceux qui doutaient qu'il en eût un, quelque chose de spontané sortait enfin de son cœur !

Revenant sur cet incident à la fin de la liturgie, l'évêque avait expliqué qu'il serait bien de trouver le moyen de faire garder les enfants dans la salle paroissiale pour qu'ils ne gênent pas la liturgie.

Au-delà des déclarations de circonstances dans lesquelles les enfants sont toujours les bienvenus, il serait trop long de rappeler ici toutes les fois où ils ont été pris en otage depuis l'arrivée du père Nicolas. J'y consacrerai un message à part si l'évêque souhaite poursuivre le débat sur ce thème et faire valoir un droit de réponse légitime ou proposer une meilleure traduction.

Lorsque monseigneur Vlassios était à Lyon avant l'arrivée du père Athanase Iskos, il a créé l'école grecque. Et lorsque la salle de cours a été construite, à côté de son appartement, derrière l'église, il a fait placer une grande icône du Christ dans l'escalier qui  montait  à  la  salle  de  cours. C'était une icône du Christ bénissant auréolée de ces mots : Laissez venir à moi les petits enfants (Lc 18, 16).

Lorsque le Christ prononce cette phrase, il ajoute : Car le Royaume des Cieux est pour ceux qui leur ressemblent (Lc 18, 16). Il est donc intéressant de s'interroger sur cette place des enfants dans l’Église, et sur ce qui peut conduire le Christ à leur donner tant d'importance.  La première chose qui vient à l'esprit lorsque l'on parle d'un enfant, c'est la pureté. Les yeux d'un enfant sont purs. Ils ne voient pas le mal. Ils ne voient pas la perversion de ceux qui les entourent. 

Les parents de Marina ont été jugés récemment pour avoir frappé leur fille si fort pendant des années, qu'elle est morte avant ses neuf ans. Ce qui avait surpris, au cours de leur procès, c'était que même aux enseignants qui essayaient de savoir d'où venaient ses blessures, qui lui parlaient avec douceur, qui voulaient la protéger, Marina n'a jamais dit un mot de mal sur ses parents tortionnaires. Pour moi, il est impossible de comprendre comment cette petite fille a pu aimer ses parents. Cette même incompréhension était dans la bouche des gendarmes, du procureur, des jurés, des juges, des journalistes et de tous ceux qui ont suivi le procès. Et pourtant, ce qui ressortait des plaidoiries des parties civiles, et ce qu'en ont retenu les juges, c'est qu'elle les a aimés, les a protégés et qu'elle en est morte d'une façon affreuse.

Abraham était aimé de Dieu parce qu'il avait cette pureté. Lorsqu'il accueille les anges qui partent détruire Sodome et Gomorrhe (Gn 18, 20-33), il ne se pose pas la question de savoir quels sont les crimes qu'ils ont commis et qui ont irrité Dieu. Il n'envie pas ce qu'ils font, mais ne les juge pas pour autant. Le fait que Dieu s'arrête chez lui ne l'enorgueillit pas, et il ne souhaite pas la mort des autres qui sont moins bien que lui. Il ne souhaite la condamnation et la destruction de personne, bien qu'il se protège en vivant loin des injustes.

Mais les enfants ne sont pas seulement l'image et parfois l'incarnation de la pureté. Ils regorgent de vie, jouent, rient, sont curieux de tout. Ce n'est donc pas seulement leur pureté que le Christ appelle à imiter lorsqu'il dit que le Royaume des Cieux appartient aux enfants et à leurs semblables. C'est ce qu'ils sont dans tout leur être.

Monseigneur Vlassios et le père Athanase le savaient. Nous voyons sur des photos de baptême prises en 1977 que monseigneur Vlassios aimait être entouré d'enfants. Ils sont plus de vingt à avoir leur tête penchée au premier plan pour voir ce qui se passe durant le baptême. Et ils n'étaient pas toujours très sages...



Le père Evangelos, qui assistait monseigneur Vlassios à cette époque, a toujours accueilli les enfants, et pas dans une salle à part pour qu'ils le laissent tranquille célébrer pour des adultes recherchant leur petit confort intellectuel, mais dans l'église où il servait pour eux. Dans l'église où il servait le Dieu de Vie qui est béni à travers la vie qu'il donne aux enfants.



Les enfants n'étaient pas toujours sages, mais l'église était à eux. Trente ans plus tard, elle l'était encore. Elle l'est dans tous les pays orthodoxes ; elle l'a été à toutes les époques. Pour eux, le père Athanase a mis beaucoup de français dans les offices, afin qu'ils les comprennent et que la barrière de la langue ne les éloigne pas de l'église. Il a fait preuve d'une patience à toute épreuve quand il demandait aux plus irréductibles de venir servir dans le sanctuaire.




Je ne dis pas ici que l'église est un défouloir ou un terrain de jeu où les enfants seraient autorisés à faire n'importe quoi, mais je dis qu'il faut du discernement pour que l'enfant s'y sente à l'aise tout en apprenant le respect du lieu. Cet équilibre nécessaire à trouver est un apprentissage, et non pas quelque chose d'inné que l'enfant devrait posséder avant de l'avoir assimilé. 

Cet équilibre n'est pas non plus ressenti par tout le monde de la même façon, si bien que certains peuvent parfois être agacés par des bruits qui semblent anodins à d'autres. C'est là où l'expérience des pères spirituels peut nous éclairer. L'une des choses les plus importantes que l'on essaie d'apprendre dans un monastère, c'est le contrôle de ses pensées, afin que, en évitant qu'elles ne divaguent (λογισμοί), on puisse les concentrer sur la prière. 

Les hésychastes ont poussé cet exercice à l'extrême. Ils disaient qu'alors l'homme ne fait plus qu'un avec Dieu, car il reste uni à lui par un lien mystique qui ne le quitte plus, quoi qu'il fasse, même s'il dort. Ils ajoutaient que si un bruit, ou quelque chose d'extérieur, vient perturber la prière, c'est que celle-ci n'habite pas l'homme ; que l'homme doit arriver à se concentrer davantage sur la prière que sur le bruit qui l'en éloigne.

Alors, lorsque les enfants font leur apprentissage de la sagesse, il convient d'avoir beaucoup de patience avec eux.

Les enfants ont toujours eu une place privilégiée dans les Écritures. Dans l'Ancien Testament, lorsque Dieu veux montrer aux hommes les prémices de la résurrection qui les attend, ce sont deux enfants morts que les prophètes ressuscitent. D'abord le fils de la veuve qui hébergeait Élie (1Rois 17, 17-24) ; puis avec le prophète Élisée (2Rois 4, 32-36).

L'une des choses que je regrette dans la plupart des offices catholiques auxquels j'ai assisté, c'est l'absence d'enfants. Mis à part les baptêmes, où les enfants sont encore présents, le reste des offices est trop souvent aseptisé de leurs bruits légitimes ; aseptisé de la vie qu'ils portent en eux.

Lorsque j'étais en Grèce, l'an dernier, j'ai voulu m'arrêter à Ioannina en revenant des Météores. Je voulais y saluer le père Athanase. Mais il ne savait pas que nous allions passer et il était absent. Nous sommes donc allés sur la place de l'église Saint Georges de Ioannina et nous nous sommes assis sur une terrasse pour manger et boire avant de poursuivre notre route vers Igoumenitsa.

Au moment de payer, le patron nous a dit que tout était réglé et nous a désigné un monsieur qui commençait à s'éloigner. Nous l'avons rattrapé pour le remercier, mais lui a fait comme s'il ne s'était rien passé. Il nous a juste dit : Les enfants sont comme des anges. Ils sont l'amour que Dieu donne aux hommes. Et il nous a félicités pour nos enfants.

Il avait tout payé parce que nos enfants lui rappelaient les siens, qu'ils lui rappelaient ses petits-enfants, qu'ils lui rappelaient tout l'amour qu'il avait avec eux. Peu lui importait que nous soyons musulmans ou orthodoxes, Turcs ou Français. Il ne voyait que l'amour que Dieu donne à tous les hommes à travers les enfants.

Il y a eu beaucoup de Grecs qui nous ont accueillis de tout leur cœur, même sans nous connaître, durant ce voyage. Certains nous voyaient comme on voit l'étranger qui est peut-être envoyé par Dieu. Mais cet homme à Ioannina était comme un guide qui avait une connaissance de Dieu parfaite et qui transmettait cette connaissance d'une simple phrase.
 
J'espère qu'un jour monseigneur Emmanuel cessera de cautionner les dérives du père Nicolas. Qu'il dénoncera ses actes lorsqu'il se livre à des scènes de violence devant des enfants venus visiter l'église, ou devant les enfants de l'école grecque, ou lorsqu'il ne donne pas de cadeau de Noël à un enfant lors de la fête de l'école parce qu'il s'est fâché avec ses parents. Car alors peut-être sera-t-il capable de comprendre cet amour dont parlait cet homme. Et si, après l'avoir compris, il arrive à le connaître lui-même, alors ce jour-là il connaîtra Dieu.

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