de l'intérieur d'une communauté

Quels que soient les groupes sociaux, on ne voit souvent d'eux que la partie « marketing ». Celle qui est bien présentable et que l'on souhaite mettre en évidence, au mépris souvent de la réalité. Ce blog, qui se revendique comme un blog d'information, va tenter de présenter la vie de la communauté hellénique de Lyon par ceux qui la vivent de l'intérieur.
J'ai connu deux hommes qui ont dignement représenté la communauté hellénique : monseigneur Vlassios et le père Athanase Iskos. Ils n'ont jamais eu à rougir de ce qu'ils ont fait ou dit et ont laissé une communauté respectée et respectable. Le contraste pourra paraître saisissant entre les 50 ans qui viennent de s'écouler et ce qui se passe depuis plus de six ans, mais si l'on veut rester fier de ce que l'on est, il ne faut pas hésiter à prendre ses distances lorsque ce que l'on voit s'éloigne de nos idéaux.
Dans un premier temps, je vais raconter une histoire au travers de courriers échangés et de documents, qui seront tous reproduits. Dans un second temps, je débattrai autour des questions qui seront posées à mon adresse mail : jeanmichel.dhimoila@gmail.com .
La communauté hellénique de Lyon étant une association cultuelle, loi 1905, les références au culte seront nombreuses et indispensables pour comprendre le sens de ce qui est recherché, et malheureusement parfois ses dérives.

Bonne
lecture à tous

mardi 27 mars 2012

34- Col romain et rason orthodoxe



Le col romain, qui s'impose à l'ensemble du clergé catholique sous le pontificat de Pie XII, est dans la continuité des traditions vestimentaires de l’Église catholique romaine depuis le concile de Trèves, en 1238. À cette époque, la volonté du clergé catholique était d'avoir un habit sobre qui le différencie des laïcs, un habit qui marque la dignité portée par le prêtre lorsqu'il célèbre devant l'autel. Cet habit venait de la toge romaine qui différenciait les dignitaires : magistrats, médecins, professeurs...

Le code de droit canonique de 1983 prévoit, dans son canon 284, que les clercs porteront un habit ecclésiastique convenable, selon les règles établies par la conférence des évêques et les coutumes légitimes des lieux. Mais il s'agit là du droit canonique des catholique qui prévoit, au canon 273, que les clercs sont tenus par une obligation spéciale de témoigner respect et obéissance au Pontife Suprême (le pape) et chacun à son Ordinaire propre. Sauf à considérer que c'est maintenant le pape de Rome dont il sera fait mention dans les prières de notre église, l'adoption de leur droit canonique en matière vestimentaire est pour le moins surprenante de la part d'un prêtre orthodoxe. 

Même si monseigneur Emmanuel a semble-t-il autorisé le père Nicolas Kakavelakis à suivre la mode clergyman propre aux catholiques post-Vatican II, il ne fait aucun doute qu'il s'agit là d'une lubie personnelle qui n'engage que lui. Peut-être s'agit-il, dans son esprit, d'un pas de plus vers une assimilation lente avec les catholiques, après celui qui a consisté à faire un office commun avec les autres religions tout en ayant porté l'étole ? Monseigneur Emmanuel, sollicité pour apporter des précisions sur ces nouvelles règles vestimentaires, n'a pas souhaité réagir. 




Dans la tradition orthodoxe, l'habit ordinaire porté est le rason. Il est, sans distinction de rang, porté par les moines, les prêtres et les évêques. Cet habit a la particularité, sans jamais avoir été imposé, d'être porté dans tout le monde orthodoxe, du fin fond de la Sibérie à la plus reculée des îles grecques, en passant par la Serbie ou le Sinaï. 



Il arrive fréquemment que les prêtres qui officient en paroisse ne portent pas d'habit particulier et qu'ils ne mettent le rason que lorsqu'ils sont en " représentation ". Cela ne gêne personne, parce que le port de l'habit est une coutume, et non un dogme. La coutume fait partie d'un ensemble de traditions, mais a un côté " facultatif ". Elle a un sens, mais pas de caractère contraignant.



Est-ce que cela me gêne que le père Nicolas adopte la mode vestimentaire des catholiques ? Non ! Pas plus que s'il portait une kippa ou une djellaba. Simplement, cela entraîne de la confusion. Et l’Église a pour mission de rendre témoignage à la Vérité, tout comme saint Jean le Précurseur nous en a montré la voie (Jn 5, 33). On trouve difficilement la vérité dans la confusion.

Si cette question d'habit est somme toute anecdotique, il y a par contre une chose qui m'a mis très mal à l'aise. Il y avait une vieille dame, dans la maison de retraite qui est face à l'église, qui venait assister à la liturgie. Cette vieille dame était catholique mais était trop fragile pour aller dans son église. Elle rassemblait parfois ses dernières forces pour traverser la rue, assister à l'office et communier. D'un point de vue canonique, les Églises catholiques et orthodoxes ne sont pas en communion depuis le XIème siècle. D'un point de vue purement rigoriste, elle ne pouvait donc pas communier chez nous. Pourtant, le père Athanase ne disait rien : il voyait tous les sacrifices que cette vieille dame faisait pour traverser cette rue, toute sa bonne volonté et toute sa foi, et il lui donnait la communion. 

Cela me faisait penser à la Cananéenne qui demandait au Christ de guérir sa fille. Mais celui-ci refusa et lui dit qu'il était venu uniquement pour les brebis perdues de la maison d'Israël. La femme continua sans interruption à implorer le Christ qui, voyant sa foi, guérit sa fille en lui disant : Femme, ta foi est grande, qu'il te soit fait comme tu veux (Matth. 15, 21-28). Cela m'a fait mal le jour où le père Nicolas a interdit à cette vieille dame de communier en lui disant qu'elle n'était pas orthodoxe. C'était comme s'il ne comprenait pas qui il avait en face de lui.

Alors, est-il concevable d'être si rigoriste envers une vieille dame aux portes de la mort et en même temps si laxiste envers les traditions de sa propre Église ?

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